Tamazight toujours absente des maillots et du logo de la Fédération marocaine
Alors que des rumeurs évoquaient une possible décision d’inscrire les noms des joueurs de l’équipe nationale marocaine en tifinagh et un maillot extérieur mettant à l’honneur des motifs amazighs, les nouveaux maillots dévoilés le 11 novembre par l’Université Royale Marocaine de Football (FRMF) et Puma présentent des éléments visuels inspirés de l’art amazigh, mais sans aller plus loin.
Bien que le maillot extérieur blanc intègre des motifs traditionnels amazighs et des caractères en tifinagh sur l’étiquette intérieure, aucun changement significatif n’a été observé sur les éléments principaux. Tamazight, pourtant langue officielle depuis la Constitution de 2011, reste absente des inscriptions principales des maillots, du logo de la Fédération et des supports de communication associés.
Tifinagh un outil promotionnel sans réel engagement ?
Alors que le Maroc se prépare à accueillir la Coupe d’Afrique des Nations 2025 et à co-organiser la Coupe du Monde 2030, cette absence suscite de nombreuses critiques. Certains voient dans ces initiatives de visibilité autour de tamazight un simple outil promotionnel destiné à répondre aux attentes internationales en matière de diversité, plutôt qu’un véritable engagement envers l’héritage civilisationnel du pays.
Inscrire tamazight sur des maillots ou intégrer des motifs amazighs ne suffit pas à garantir l’égalité réelle de cette langue face à l’arabe. Loin d’être une question esthétique, l’intégration de tamazight dans ces événements internationaux devrait s’accompagner de réformes structurelles profondes.
Un artefact qui ne masque pas les retards
Bien que tamazight soit reconnue comme langue officielle depuis la Constitution de 2011, cette reconnaissance reste largement symbolique. Dans les faits, l’arabe continue de dominer tous les aspects de la vie publique, tandis que tamazight demeure marginalisée, confinée à des initiatives ponctuelles et locales.
Les Nations Unies, par l’intermédiaire du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD), ont récemment exhorté le Maroc à intensifier ses efforts pour appliquer les dispositions constitutionnelles et promouvoir l’usage de tamazight dans les institutions publiques et les événements internationaux.
Une absence de tamazight remarquée sur les supports officiels
A ce jour, ni l’écusson officiel des Lions de l’Atlas ni le site internet de la Fédération ne tiennent compte de la langue amazighe, pourtant reconnue comme langue officielle dans la Constitution marocaine depuis 2011.
L’écusson de l’équipe nationale continue de ne comporter que des inscriptions en arabe et en français, excluant totalement le tifinagh, l’alphabet amazigh. De même, le site internet officiel de la FRMF, vitrine internationale du football marocain, n’est disponible qu’en arabe et en français, sans aucune version en tamazight, ni même une section dédiée à cette langue. Cette omission est perçue comme une forme de discrimination institutionnelle qui va à l’encontre des engagements constitutionnels et des aspirations de la communauté amazighe.
Il est regrettable de constater que le pays sera encore largement perçu par le monde extérieur comme un État exclusivement arabe, occultant son identité amazighe profonde et millénaire.
Une présence superficielle de tamazight ne peut masquer la réalité : dans les faits, l’arabe continue de dominer les institutions, la communication publique, et la vie quotidienne, reléguant tamazight au second plan, même dans son propre territoire.
L'interpellation de l'AMA sur le logo et le slogan du Mondial 2030
Dans un communiqué adressé à Fouzi Lekjaa, président de la FRMF et ministre délégué chargé du budget, l’Assemblée Mondiale Amazighe (AMA) a exprimé son mécontentement face à l’exclusion de tamazight dans le logo et le slogan de la candidature tripartite Maroc-Espagne-Portugal pour la Coupe du Monde 2030.
Lors de la conférence de presse du 28 octobre 2024 à Rabat, aucun élément visuel ou linguistique n’a mis en avant l’identité amazighe, pourtant essentielle à l’histoire du Maroc. Dans sa lettre, l’AMA a rappelé que tamazight est un élément partagé par les trois pays organisateurs. Les origines amazighes des Ibères et leur contribution à la civilisation méditerranéenne auraient pu être mises en avant pour souligner la singularité de cette candidature.
Tamazight est un élément partagé par les trois pays impliqués dans cette candidature. Dans une lettre ouverte daté du 18 décembre 2023, l'organisation amazighe avait mis l'accent sur les origines amazighes des Ibères et la contribution historique des Amazighs à la civilisation méditerranéenne, notamment à travers l’Andalousie médiévale. Cette histoire commune aurait pu être un atout majeur pour renforcer le caractère unique de cette candidature tripartite, tout en valorisant l’héritage amazigh au-delà des frontières marocaines.
Une visibilité véritable nécessite un changement systémique
Pour que tamazight obtienne une place réelle et influente, quelques inscriptions en tifinagh sur des supports ou des vêtements sportifs ne suffisent pas. Il est nécessaire d’aller plus loin :
- Prioriser tamazight dans les régions à majorité amazighe, en en faisant la langue principale d’administration, d’éducation, et de communication.
- Enseigner tamazight massivement dans le système scolaire, dès le jeune âge, pour créer une génération capable de la maîtriser pleinement.
- Intégrer tamazight dans les médias nationaux de manière significative et accessible.
- Assurer que tamazight soit mise en avant dans les événements internationaux où le Maroc est représenté, comme la Coupe du Monde 2030, pour incarner la diversité culturelle du pays.
Tamazight au cœur de l’identité nationale
La lutte pour tamazight n’est pas seulement une revendication linguistique. Elle reflète une aspiration plus profonde à la justice culturelle et à la reconnaissance de l’identité amazighe comme composante essentielle du Maroc. Permettre à tamazight de prendre la place qui lui revient dans les institutions et les espaces publics est une nécessité historique et morale.
Un long chemin reste à parcourir
Tant que tamazight reste reléguée à un rôle secondaire, même dans les grands événements internationaux, le Maroc continuera d’être perçu à l’étranger comme un pays exclusivement arabe. Ce rétrécissement identitaire occulte la richesse et la diversité culturelle du royaume, au détriment de son image et de ses citoyens.
Il est temps que tamazight cesse d’être un simple accessoire et devienne un pilier central de l’identité marocaine, respectée dans ses formes institutionnelles et visibles sur la scène mondiale.
Il est regrettable de voir l’effervescence grandir au sein de la communauté amazighe autour de l’idée que les noms des joueurs de l’équipe nationale marocaine pourraient être inscrits en tifinagh sur leurs maillots, alors qu’il ne s’agit pour l’instant que de simples rumeurs et d'un artefact.