Racisme au Maroc - Déclaration de la Rapporteuse spéciale des Nations Unies

Mme E. Tendayi Achiume

RABAT/GENÈVE (21 décembre 2018) - Une experte de l'ONU a déclaré aujourd'hui que le Maroc devait urgemment prendre des mesures pour que ses engagements constitutionnels en matière d'égalité raciale et de lutte contre la discrimination raciale soient étendus à tous les Marocains, ainsi qu'aux migrants et aux réfugiés, conformément à ses engagements internationaux en matière de droits humains.

"Le Maroc dispose de dispositions constitutionnelles solides qui interdisent et combattent toutes les formes de discrimination, promeuvent l'égalité devant la loi, protègent l'égalité des sexes et garantissent les droits des non-ressortissants ", a déclaré la Rapporteuse spéciale sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, Mme E. Tendayi Achiume, au terme de sa mission dans le pays.

 Elle exhorte le Maroc à adopter un cadre législatif complet de lutte contre la discrimination raciale. Elle se félicite également de la reconnaissance constitutionnelle de la langue amazighe comme langue officielle, mais se dit préoccupée par le fait que le Maroc n'ait toujours pas adopté de législation pour appliquer cette disposition.

 La Rapporteuse spéciale a noté que la prédominance de l'arabe et du français et l'absence de services adéquats en langue amazighe, notamment d'interprètes assermentés et certifiés, demeure un obstacle à l'accès égal et effectif à la justice pour les amazighes. "Le Maroc doit adopter et mettre en œuvre d'urgence la législation nationale nécessaire pour réaliser le plein statut officiel de la langue amazighe ", a déclaré Mme Achiume.

 Les communautés amazighes, en particulier dans les régions rurales, subissent une grave marginalisation socio-économique et certaines d'entre elles sont victimes de discrimination y compris lorsqu'elles tentent de s'installer dans des zones plus urbaines.

 Certains groupes ont fait état d'une marginalisation structurelle et persistante et d'une discrimination à l'encontre des communautés amazighes, dans des régions où les infrastructures et les services de l'État sont limités notamment en ce qui concerne les besoins fondamentaux tels que l'eau, l'assainissement et les soins de santé adéquats.

 S'agissant des migrants et des réfugiés, elle a salué l'approche fondée sur les droits de l'Homme que le Maroc a largement mise en œuvre. "Par exemple, la Constitution marocaine prévoit que les étrangers se trouvant sous la juridiction marocaine puissent jouir des mêmes libertés fondamentales que les citoyens marocains " a déclaré l'experte indépendante.

 Elle s'est également félicitée de la décision récente de rejeter les tentatives de l'Union Européenne visant à implanter dans le pays des centres de traitement des demandes d'asile ou de " débarquement régional ", ainsi que du refus par le Maroc de retenir les migrants dans des centres de rétention pour migrants.

 Cependant, cette année en particulier, les pressions exercées pour empêcher la migration de l'Afrique vers l'Europe ont entraîné de sévères restrictions à la liberté de circulation et parfois mené à de graves violations des droits de l'homme à l’encontre des migrants aussi bien ceux en situation régulière qu’irrégulière, en particulier les Africains subsahariens. Par exemple en août 2018 les expulsions forcées qui ont eu lieu dans les quartiers de Tanger où vivent principalement des migrants subsahariens ont entraîné la destruction de biens et le déplacement forcé de migrants, notamment de migrants en situation régulière, de femmes enceintes et d’enfants.

 "J'ai parlé à certaines de ces personnes, qui vivent maintenant dans des conditions tout à fait inhumaines dans une forêt, sans installations sanitaires ni abri, malgré des températures hivernales glaciales. Je suis très préoccupée par le fait que ces expulsions aient mené à la violation des droits humains de nombreux migrants, d’autant plus que certains d’entre eux ont précisé que, malgré leur situation régulière ou leur statut de demandeurs d'asile, la couleur de leur peau les mettait en grand danger ", a déclaré Mme Achiume. Elle a exhorté le Maroc à rester ferme sur sa politique migratoire ancrée dans le respect des droits de l'Homme et à rejeter les tentatives de plus en plus nombreuses de l'Europe pour contenir au niveau régional les Africains sur le continent Africain.

 "Je félicite le Maroc pour les mesures remarquables qu'il a prises afin que les Juifs marocains puissent jouir de leurs pleins droits notamment la liberté de croyance et d'association ainsi que d'autres droits humains. Une similaire protection des droits devrait être accordée aux autres minorités religieuses qui signalent être confrontées à des restrictions par rapport à l’exercice de leurs droits à la liberté de croyance et d'association", a-t-elle ajouté.


Mme Achiume présentera un rapport complet sur sa visite au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève en juillet 2019.

Mme E. Tendayi Achiume (Zambie) a été nommée Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée par le Conseil des droits de l’homme en septembre 2017. Mme Achiume est actuellement professeure de droit à l’Université de Californie, Los Angeles (UCLA) et associée de recherche au Centre africain pour la migration et la société (ACMS) à l’Université de Witwatersrand en Afrique du Sud.

 L’Experte Indépendante fait partie de ce qui est désigné sous le nom des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, l’organe le plus important d’experts indépendants du Système des droits de l’homme de l’ONU, est le terme général appliqué aux mécanismes d’enquête et de suivi indépendants du Conseil qui s’adressent aux situations spécifiques des pays ou aux questions thématiques partout dans le monde. Les experts des procédures spéciales travaillent à titre bénévole ; ils ne font pas partie du personnel de l’ONU et ils ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants des gouvernements et des organisations et ils exercent leurs fonctions à titre indépendant.

 Pour davantage d’informations et pour toute demande des médias, veuillez contacter :

Au Maroc : Mme Karima Chakiri (+212 6 60 85 03 20)

A Genève (avant et après la visite) : M. Guillaume Pfeifflé (+41 22 917 9384) et Mlle Elena Dietenberger (+41 22 917 98 36 / ohchr.org)

Ci-dessous la Déclaration de fin de mission de la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée à l’issue de sa mission au Royaume du Maroc

Rabat, le 21 décembre 2018

Introduction

Je tiens à remercier le Royaume du Maroc (ci-après, le Maroc) de m’avoir invitée à effectuer une visite du 13 au 21 décembre 2018 et pour son excellente coopération en ce qui concerne chaque aspect de ma visite.

Le mandat de ma visite, établi par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (ONU), consistait à évaluer les efforts des autorités visant à éliminer le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée au Maroc. En tant que Rapporteuse spéciale, je suis indépendante de tout gouvernement ou organisation et j’assume mes fonctions à titre personnel.

Au cours de ma visite, je me suis rendue à Rabat, à Tanger, à Tétouan, à Agadir et à Casablanca, où j’ai rencontré de nombreux représentants de haut niveau du pouvoir exécutif, démontrant ainsi l’importance que le Maroc accorde aux procédures spéciales comme mécanisme de l’ONU de protection des droits de l’homme, ce que j’apprécie énormément. J’ai également rencontré des représentants du Conseil national des droits de l’homme, de la société civile, des communautés amazighes, des communautés religieuses, des migrants et des réfugiés, des victimes du racisme, de la discrimination et de l’intolérance qui y est associée, ainsi que des représentants de l’équipe de pays de l’ONU. A Tanger, j’ai visité la forêt au nord de la ville où un grand nombre de migrants noirs d’Afrique subsaharienne ont été contraints d’y vivre de manière croissante au cours de ces derniers mois, ainsi que deux commissariats de police dotés de centres de détention. Je me suis également rendue à la gare routière Ouled Ziane de Casablanca, le lendemain après qu’un incendie ait détruit les biens de migrants noirs d’Afrique subsaharienne vivant dans ce marché.

Je tiens à exprimer mes sincères remerciements à toutes les personnes qui ont pris le temps de me rencontrer, certaines ayant parcouru de longues distances depuis des zones rurales et autres, afin de partager avec moi leurs récits poignants, sources d’inspiration en matière d’adversité et de résistance. Je tiens à préciser que les autorités marocaines m'ont donné une complète liberté de circulation dans tout le pays, mais qu'en raison de contraintes de temps et de ressources, j'ai dû limiter le nombre de lieux à visiter. J’appelle la société civile et les autres organisations travaillant sur des questions liées à l'égalité raciale, mais qui n'ont pas pu me rencontrer lors de ma visite, à m'envoyer des contributions écrites, notamment tous les groupes travaillant sur l'égalité raciale s’agissant de la situation des Sahraouis, ainsi que d'autres groupes susceptibles de faire l'objet d'une discrimination fondée sur l'héritage historique de l'esclavage, y compris les Harratines. Je les encourage vivement à me faire parvenir des contributions écrites avant le 1er mars 2019.

Les observations abrégées suivantes constituent mes conclusions préliminaires, que je formule dans un esprit de dialogue ouvert et constructif avec le Gouvernement et les autres parties prenantes. Je présenterai un rapport complet contenant des conclusions plus détaillées au Conseil des droits de l’homme lors de sa 41ème session en juillet 2019.

Droit international des droits de l’homme en vigueur

En ratifiant la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ICERD), le Royaume du Maroc s’est engagé à respecter et à garantir l’égalité raciale et le droit de toutes les personnes à ne pas subir de discrimination raciale. Il convient de souligner que le Maroc a également ratifié plusieurs autres traités internationaux relatifs aux droits de l’homme interdisant les discriminations raciales et autres discriminations. Ces instruments créent des obligations juridiquement contraignantes pour le Maroc en ce qui concerne les principes d’égalité et de non-discrimination. Ils promeuvent également une importante vision de l’égalité : une vision qui exige que le Maroc élimine la discrimination raciale intentionnelle ou délibérée et lutte contre la discrimination raciale de fait ou non intentionnelle. Des actes de discrimination raciale prohibés peuvent se produire même en l’absence d’animosité raciale ou de préjugés.

En effet, l’ICERD dispose que « toute distinction, exclusion, restriction ou préférence » fondée sur « la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique » doit être interdite en tant que discrimination raciale illicite lorsqu'elle a « pour but ou pour effet » de porter atteinte à la jouissance dans des conditions d'égalité des droits de l’homme1. En droit international, l’interdiction de la discrimination raciale est absolue et ne peut être interprétée de manière restrictive. Cela signifie notamment que: 1) la discrimination raciale est interdite dans la jouissance de tous les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels2; 2) la discrimination raciale est interdite en toutes circonstances, y compris dans le contexte de la migration3; et (3) l’égalité raciale doit être garantie pour tous, indépendamment de l’ascendance ou de la descendance, y compris les personnes appartenant à des groupes raciaux et ethniques et les non-ressortissants (quel que soit leur statut juridique)4. La réalisation de l'égalité raciale réelle nécessite également une analyse intersectionnelle du problème de la discrimination raciale et de l'intolérance. Une approche intersectionnelle prend au sérieux les différentes expériences de discrimination raciale endurées par des personnes en raison de leur race, leur appartenance ethnique, leur origine nationale ou leur culture, associées à leur genre, leur sexe, leur orientation sexuelle, leur handicap, leur âge et toute autre catégorie sociale. Enfin, en vertu de l’article 1 (4) de l’ICERD:

«  Les mesures spéciales prises à seule fin d'assurer comme il convient le progrès de certains groupes raciaux ou ethniques ou d'individus ayant besoin de la protection qui peut être nécessaire pour leur garantir la jouissance et l'exercice des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans des conditions d'égalité ne sont pas considérées comme des mesures de discrimination raciale, à condition toutefois qu'elles n'aient pas pour effet le maintien de droits distincts pour des groupes raciaux différents et qu'elles ne soient pas maintenues en vigueur une fois atteints les objectifs auxquels elles répondaient ».

Le Maroc devait rendre compte de la mise en œuvre de l’ICERD en 2014, mais ne l’a pas encore fait jusqu’à présent. Je me félicite de la déclaration du Ministre d’Etat chargé des Droits de l’Homme selon laquelle le Maroc est en train de finaliser actuellement ses rapports combinés auprès du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale. Je demande instamment au Maroc de soumettre ces rapports dans les plus brefs délais.

Cadre constitutionnel, juridique et politique marocain relatif à l’égalité et la discrimination raciale

La Constitution du Maroc, adoptée en 2011, constitue un progrès important dans le domaine des droits de l’homme, notamment en renforçant l’engagement du Royaume en faveur des droits de l’homme internationaux, de l’égalité et de la non-discrimination. Le préambule, qui a force contraignante, comprend notamment un engagement envers l’interdiction et la lutte contre toutes les formes de discrimination. L’article 23 interdit explicitement toute incitation au racisme, à la haine et à la violence. L’égalité devant la loi et l’égalité des sexes sont protégées aux articles 6 et 19 de la Constitution. En outre, les droits des non-ressortissants sont spécifiquement protégés à l’article 30 de la Constitution – un article remarquable et visionnaire – qui prévoit que les étrangers sous juridiction marocaine ont le droit de jouir des libertés fondamentales accordées aux citoyens marocains. De cette manière, la Constitution garantit les principes d’égalité et de non-discrimination et crée une base solide pour les développements législatifs et politiques nécessaires pour veiller à ce que ces principes des droits de l’homme puissent être pleinement appliqués à toutes les personnes au Maroc. Il est particulièrement important de noter que le préambule de la Constitution marocaine affirme que l’identité nationale marocaine est diverse, intégrant le riche héritage culturel et ethnique qui caractérise ce Royaume depuis des siècles. Cette vision d’une société plurielle mais unifiée, dans laquelle tous les individus peuvent jouir de tous les droits de l’homme et de toutes les appartenances politiques et sociales, est une vision que le gouvernement marocain - à l’instar de tous les autres gouvernements - doit continuer à travailler sans relâche pour la mettre en œuvre. L’égalité consacrée dans la loi, prise seule, ne garantit pas l’égalité dans les faits.

Un examen de la législation en vigueur montre que le Maroc interdit explicitement certaines manifestations de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance qui y est associée, notamment dans le code pénal, le code de procédure pénale, le code du travail, et le code de la presse et de l’édition. J’ai appris que le projet de loi relative au droit d’asile et aux conditions de son octroi comprend une disposition de non-discrimination qui interdit la discrimination fondée sur différents motifs, notamment la discrimination fondée sur la couleur et la race. Le Maroc a également adopté le Plan d’Action National en matière de Démocratie et les Droits de l’Homme (2018-2021), qui traite de l’égalité des sexes et la discrimination fondée sur le handicap5. Ces lois et politiques sont louables. Cependant, d’importantes lacunes subsistent. A ce jour, le Maroc ne dispose d’aucune législation complète en matière de lutte contre la discrimination qui consacre pleinement le cadre de l’ICERD en matière d’égalité raciale ; par ailleurs, la législation et les politiques existantes ne définissent pas la discrimination raciale d’une manière qui soit conforme à la Convention6. En outre, alors que le Maroc s’est engagé dans la Déclaration et le Programme d’action de Durban, qui préconise un plan d’action national visant spécifiquement à lutter contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, aucun plan de ce genre n’existe actuellement.

De manière impressionnante, le Gouvernement marocain a créé un ministère consacré à l’égalité (Ministère de la famille, de la solidarité, de l’égalité et du développement social), qui est notamment chargé d’intégrer les considérations d’égalité dans tous les autres ministères et le secteur public. Je salue ce développement important qui est digne d’être imité par d’autres gouvernements. Outre les thématiques du handicap et d’égalité des sexes sur lesquelles ce ministère s’est concentré, il est important qu’il prenne également des mesures politiques concrètes pour inclure le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée dans son mandat.

Amazighs

Tel que mentionné précédemment, la Constitution marocaine consacre une identité nationale unifiée mais culturellement diversifiée, qui inclut l’identité amazighe. L’article 5 érige la langue amazighe au rang de langue officielle et, de cette manière, le Maroc a ainsi mis en œuvre une recommandation importante précédemment publiée par le CERD. Cependant, le Maroc n’a toujours pas adopté la loi organique nécessaire pour mettre en œuvre cette protection constitutionnelle. J’appelle le Royaume à adopter et à mettre en œuvre la loi organique sans plus tarder. L’égalité entre tous les marocains telle que garantie dans la Constitution doit être assurée dans les faits.

Je salue la création en 2001 de l'Institut royal de la culture amazighe (IRCAM), où j'ai eu la chance d'assister à une célébration des artisanes amazighes et de découvrir leurs magnifiques textiles et talents artistiques. Je salue également l'important travail accompli par l’IRCAM pour renforcer la langue amazighe écrite grâce à des développements lexicaux et autres et pour soutenir l'épanouissement des traditions de la culture amazighe.

En dépit d’importants engagements constitutionnels, législatifs et politiques de la part du Gouvernement, j’ai été informée de la situation de plusieurs personnes qui s’identifient comme étant amazighes et marocaines, mais qui subissent une discrimination, une exclusion structurelle et même des stéréotypes racistes et l’intolérance qui y est associée en raison de leur langue et culture amazighes. Des groupes ont signalé une marginalisation structurelle persistante et une discrimination à l’encontre des communautés amazighes, y compris en particulier celles résidant dans les zones rurales du pays, avec une infrastructure et une aide de l’Etat limitées pour répondre à leurs besoins essentiels, notamment en eau, assainissement et soins de santé adéquats. Le respect de l’égalité de statut de tous dans le Royaume exige la prise de mesures nécessaires pour protéger les droits culturels et socio-économiques de toutes les communautés. Celles et ceux qui se sont engagés à préserver la langue et la culture amazighe ne font pas exception.

Les communautés amazighes ont signalé que dans certaines régions du pays, la prédominance des langues arabe et française en l’absence de services linguistiques amazighs adéquats - y compris des interprètes assermentés et certifiés - demeurait un obstacle à un accès égal et effectif à la justice pour les locuteurs de cette langue. La disponibilité limitée d’interprètes qualifiés et certifiés engendre des difficultés de communication pour les locuteurs amazighs à chaque étape des procédures judiciaires, y compris pendant les procès, ce qui peut avoir des conséquences graves quant aux verdicts relatifs à leurs affaires. Afin de garantir l’égalité de traitement et de protection dans l’administration de la justice, le Maroc devrait intensifier ses efforts pour promouvoir l’utilisation de la langue amazighe dans les procédures judiciaires et administratives et pour garantir la disponibilité de services d’interprétation.

Les représentants amazighs ont également signalé avoir été victimes de discrimination raciale dans l’exercice de leurs droits économiques et sociaux, une préoccupation préalablement soulevées par le CERD dans ses rapports7. Des groupes ont en particulier signalé que ceux qui ne maîtrisaient pas l’arabe et ceux qui vivaient dans des zones rurales rencontraient des difficultés en matière d’égalité d’accès à l’emploi et aux services de santé. En ce qui concerne le système éducatif, les organisations amazighes ont signalé des lacunes persistantes en ce qui concerne: le caractère adéquat de l’enseignement en langue amazighe à tous les niveaux de l’enseignement; la promotion de l’utilisation de l’amazigh comme langue d’enseignement; la mise à disposition d’un nombre suffisant d’enseignants amazigh spécialisés; et l’intégration de la langue et de la culture amazighes dans les programmes scolaires. Des Amazighs résidant dans des zones rurales marginalisées ont également partagé des informations selon lesquelles l’accès aux services de soins de santé était très limité et, dans certains cas, tout à fait insuffisant.

S’agissant des droits fonciers, les représentants amazighs ont signalé des dépossessions de terres et de spoliation de ressources environnementales dans les zones rurales à travers le pays, par des entités privées et publiques, notamment dans le cadre de projets de développement qui ne profitent pas suffisamment à ces communautés. Ils ont également signalé que les effets cumulatifs des lois et des structures de propriété foncière de l’époque coloniale, associés aux projets agricoles et d’utilisation de la terre contemporains qui portent atteinte à leurs liens culturels avec la terre, restent un sujet de préoccupation sérieuse dans certaines régions du pays. En effet, l’identité culturelle qui se double d’une marginalisation économique rurale crée apparemment des régions où la qualité de vie des Marocains y résidant est moins bonne que celle des résidents des zones urbaines. Certains représentants de la société civile ont signalé que les stéréotypes associés aux habitants ruraux des zones où la langue et la culture amazighes sont particulièrement importantes font que les habitants de ces régions sont souvent victimes de discrimination lorsqu’ils tentent de s’établir dans des zones plus urbaines. Des représentantes de femmes amazighes ont fait part de leurs expériences de discrimination inter-sectionnelle, résultant notamment des coutumes relatives à l’héritage empêchant certaines femmes marocaines amazighes d’hériter de terres. J’ai l’intention de continuer à examiner les conditions de vie des Amazighs et je reste disponible pour recevoir des contributions de la société civile et des autorités marocaines sur ces préoccupations en attendant la finalisation de mon rapport.

Enfin, j’ai reçu un certain nombre d’allégations de violations du droit à la liberté d’opinion et d’expression, de réunion pacifique et d’association auxquelles auraient été confrontés les communautés amazighes et leurs militants, notamment en ce qui concerne l’interdiction de manifestations et l’imposition de restrictions excessives à la création et au fonctionnement d’associations, y compris de partis politiques. J’ai l’intention de porter les allégations individuelles que j’ai reçues à l’attention des autorités, dans la mesure où elles m’ont assuré qu’elles répondraient en fournissant tous les détails nécessaires avant la finalisation de mon rapport.

Migrants et réfugiés

Le Maroc a pris des mesures considérables pour promouvoir les droits de l’homme des migrants et des réfugiés dans son cadre stratégique, en s’appuyant sur le cadre constitutionnel susmentionné. En matière de politique nationale, le Maroc a fait preuve d’un engagement louable en faveur des droits de l’homme des migrants et des réfugiés. Les politiques marocaines - qui demeurent en cours de réalisation - méritent une reconnaissance internationale et souvent une émulation internationale. Elles constituent, dans l’ensemble, une rupture bienvenue et nécessaire avec la sécurisation inhumaine entourant les phénomènes migratoires qui se produit dans de nombreuses régions à travers le monde, en partie à cause de la montée du populisme ethno-nationaliste et d’autres courants politiques8. Le Maroc joue également un rôle de premier plan en adoptant une approche qui prend au sérieux la nécessité de réaliser des recherches et des investissements pour promouvoir une approche de la migration centrée sur l’Afrique et les dimensions sud-sud de la migration internationale. Par ailleurs, des défis importants persistent dans le Royaume, où il reste encore beaucoup à faire pour protéger les migrants et les réfugiés contre la discrimination et l’intolérance.

En respectant ses engagements dans le cadre du Pacte mondial sur les migrations et même avant l’adoption de cet accord, le Maroc a adopté des mesures dignes d’être imitées par d’autres Etats, seules certaines d’entre elles étant mentionnées dans cette déclaration préliminaire. Je salue la procédure de régularisation de migrants de 2014 qui a abouti à l’octroi du statut officiel à 23.096 personnes. Je salue également la procédure de régularisation qui a débuté en 2017, au cours de laquelle 28.400 demandes ont été soumises9. Ces efforts de régularisation constituent un processus multipartite qui a confié des rôles importants au Conseil national des droits de l’homme (CNDH), aux défenseurs des droits des migrants et même aux migrants eux-mêmes dans la détermination de l’admissibilité à la régularisation. Cette approche multipartite met en œuvre de manière concrète les principes des droits de l’homme de la gouvernance participative et représentative. Je salue également la décision du Maroc de refuser de rassembler les migrants dans des centres de rétention et d’adopter plutôt une politique formelle visant à intégrer les migrants dans sa société. Je salue en outre la récente décision du Maroc de rejeter les tentatives de l’Union européenne d’établir des centres de traitement des demandes d’asile en haute mer ou des centres de « débarquement régional » sur le territoire marocain. Il est important que ces mesures, ainsi que d’autres mesures fondées sur les droits de l’homme, trouvent une reconnaissance permanente dans le droit formel.

Les consultations que j’ai tenues avec les migrants et les réfugiés, ainsi qu’avec les organisations travaillant avec eux, ont révélé que les initiatives de régularisation de 2014 et 2017, ainsi que les politiques d’intégration décrites dans la Stratégie nationale pour la migration et le droit d’asile, ont beaucoup contribué à garantir les droits fondamentaux de ces populations. Cependant, certains migrants et réfugiés, en particulier ceux d’origine noire et subsaharienne, ont fait état de stéréotypes racistes et xénophobes lors de l’accès aux soins de santé, à l’éducation, à l’emploi et dans d’autres. Bien que la législation et la politique nationales garantissent de nombreux droits aux migrants et aux réfugiés dans des conditions d’égalité dans tous ces contextes, il existe des cas où ces droits ne sont pas respectés. J’ai reçu des témoignages de migrants qui, en raison de la couleur de leur peau, ont fait l’objet de stéréotypes racistes. Dans certains cas, ces stéréotypes ont entraîné un déni de nature raciale et discriminatoire de leurs droits. Lorsque de telles violations se produisent, il est important que le Gouvernement marocain intensifie ses efforts pour assurer que les auteurs soient tenus responsables.

La pression que le Maroc subit actuellement de la part de l’Europe en matière de gouvernance migratoire, compte tenu de l’importance géopolitique de la situation géographique du Royaume, est particulièrement préoccupante. Ce n’est un secret pour personne que l’Europe a intensifié ses efforts ces dernières années pour limiter les flux migratoires, notamment en provenance d’Afrique. Certaines statistiques suggèrent que le Maroc constitue actuellement la deuxième voie la plus fréquentée de migration clandestine vers Europe10 et que les efforts visant à empêcher les Africains - y compris les Marocains, mais surtout les migrants noirs subsahariens - d’atteindre l’Europe ont créé une situation de préoccupation sérieuse en matière de droits de l’homme au Maroc. Cette situation risque de s’aggraver et le Maroc doit prendre des mesures proactives pour éviter cela.

Dans le nord du Maroc, les migrants font face à des restrictions sévères en matière de liberté de circulation. Ces derniers mois, les efforts dans les domaines de l’immigration et du maintien de l’ordre ont donné lieu à des violations des droits de l’homme des migrants en situation régulière et irrégulière, visant tout particulièrement des Africains noirs subsahariens. Dans le nord du pays, j’ai obtenu des informations crédibles au sujet de cas de harcèlement, d’arrestations et de détentions arbitraires et de réinstallations forcées11de migrants, ainsi qu’un usage excessif de la force à leur encontre, et ce parfois qu'ils soient en situation régulière ou irrégulière, après que les forces de l’ordre aient eu recours au profilage racial. Par exemple, des expulsions forcées de migrants noirs subsahariens survenues en août 2018 dans des quartiers de Tanger ont entraîné la destruction de leurs biens et leur déplacement, y compris des migrants réguliers, des femmes enceintes et des enfants. J’ai discuté avec certaines de ces personnes, qui vivent actuellement dans des conditions inhumaines dans une forêt, sans installations sanitaires, ni abris malgré les températures glaciales hivernales. J’ai été informée par les autorités marocaines que la proportion des migrants Africains noirs subsahariens transitant à travers le Maroc a augmenté. Néanmoins, je m’inquiète vivement du fait que ces expulsions aient porté atteinte aux droits de l’homme de nombreux migrants, dont certains ont déclaré que, indépendamment de leur statut légal ou de demandeur d’asile, la couleur de leur peau les mettait en grand danger. La discrimination raciale interdite par le droit international ne requiert pas d’animosité ou de préjugés raciaux ; les mesures qui affectent ou ciblent de manière disproportionnée des groupes en raison de leur race, de leur nationalité, de leur origine ethnique ou de leur descendance contreviennent au droit international relatif aux droits de l’homme.

Le Maroc a le droit souverain de mettre en œuvre sa loi sur l’immigration et a l’obligation de lutter contre la traite des êtres humains lorsqu’elle se produit. Toutefois, cette mise en œuvre doit être conforme aux normes internationales des droits de l’homme qui interdisent la discrimination raciale, y compris la discrimination raciale exercée de facto. Les migrants noirs subsahariens qui ont déclaré avoir été bien intégrés dans les communautés marocaines au nord ont signalé un changement dans les mesures d’application de la loi dans la région. Je suis profondément préoccupée par les violations sérieuses des droits de l’homme perpétrées contre des migrants et des réfugiés noirs subsahariens dans le nord et j’exhorte le Maroc à prendre des mesures pour mettre fin à ces violations. Je me félicite des assurances que j’ai reçues des autorités marocaines au niveau national quant à leur engagement à renforcer le respect des droits de l’homme dans le cadre de l’application de la loi en matière d’immigration dans tout le pays. Ceci doit se traduire au niveau local. Je salue également et souhaite souligner les informations que j’ai obtenues de réfugiés syriens dans le nord, faisant état de leur forte intégration dans les communautés locales, en particulier parmi les réfugiés syriens qui ont bénéficié des efforts de régularisation de 2014 et 2017. Des conditions similaires sont vitales pour tous les autres réfugiés, sans distinction de race ou de nationalité.

La pression pour empêcher les flux migratoires d’Afrique vers l’Europe semble également avoir un impact sur la situation des migrants, des réfugiés et aussi des Marocains dans les régions du sud du pays. Bien que le Maroc se refuse à suivre une politique de détention de migrants, la réinstallation forcée des migrants noirs subsahariens en situation irrégulière et, dans certains cas, de demandeurs d’asile, du nord vers le sud, semble avoir pour conséquence de créer de facto des régions de confinement de migrants qui ne feront que devenir de plus en plus volatiles. Ces déplacements donnent lieu à des violations des droits de l’homme subies par ces migrants dans les régions du sud où ils sont transférés. Dans les conditions actuelles, la présence croissante de ces migrants risque d’entraîner un accroissement de tensions anti-migrants et xénophobes au sein des communautés marocaines qui accueillaient auparavant des populations de migrants et de réfugiés. Cette situation instable, qui est étroitement liée au statut du Maroc en tant que pays de transit de plus en plus populaire vers Europe, requiert une attention urgente. Le Maroc doit rester ferme dans une approche fondée sur les droits de l’homme et refuser de prendre part à la basse besogne de l’Europe. Le Maroc doit mettre fin à toutes les politiques en matière d’immigration qui entrainent des violations flagrantes des droits de l’homme, y compris dans les forêts au nord et dans les autres régions proches de ses frontières avec l’Europe. Cela étant, cette situation oblige d’urgence les acteurs régionaux et internationaux à assumer leur responsabilité pour le rôle qu’ils doivent jouer afin de garantir les droits fondamentaux des migrants au Maroc. L’Europe doit prendre des mesures actives pour créer des voies légales de migration, notamment pour les Africains, y compris les Marocains eux-mêmes. Et les organisations internationales, y compris l’Organisation internationale pour les migrations, doivent veiller à ce que les droits de l’homme occupent une place prépondérante dans tous leurs efforts aux niveaux national et local auprès des migrants réguliers et irréguliers.

Minorités religieuses marocaines

La Constitution marocaine garantit à tous la liberté de croyance et reconnaît la diversité religieuse historiquement enracinée de l’identité marocaine. Je félicite le Maroc pour les mesures remarquables qu’il a prises pour faire en sorte que les Juifs marocains puissent tous jouir de leurs droits à la liberté de croyance, d’association et autres libertés. J’ai même eu l’opportunité de visiter le musée juif de Casablanca où j’ai appris qu’il était unique en son genre dans le monde arabe. Cependant, j’ai rencontré des représentants de minorités religieuses, y compris des chrétiens marocains et des baha’is, qui ont évoqué des restrictions quant à l’exercice de leurs droits à la liberté de conviction et d’association. J’appelle les autorités marocaines à garantir ces libertés pour tous les Marocains de manière égale.

Lutte contre l’extrémisme

Le travail entrepris par la Rabita Mohammadia des Oulémas (RMO), une institution religieuse très respectée dans le pays et dans le monde arabe, avec des personnes en détention considérées comme des extrémistes religieux, m’a beaucoup impressionnée. La RMO cherche à lutter contre l’extrémisme de manière innovante par la déconstruction des discours radicaux et le développement d’interventions fondées sur une interprétation de l’Islam qui promeuvent les principes des droits de l’homme, y compris la tolérance et la réconciliation. Ces efforts ont donné des résultats positifs que j’examinerai de façon plus approfondie dans mon rapport final, dans la mesure où ceux-ci peuvent inspirer d’autres pays cherchant à lutter contre la violence extrémiste tout en protégeant les droits de l’homme.

Recommandations provisoires

Comme je l’ai mentionné, le Maroc a démontré un rôle de premier plan dans des domaines clés en matière d’égalité raciale. Tout en reconnaissance ces réalisations, de sérieux problèmes persistent et d'importants efforts restent à faire pour garantir l'égalité raciale et le droit de toutes les personnes de ne pas subir de discrimination raciale. Mon rapport au Conseil des droits de l'homme comprendra une analyse plus complète de mes conclusions et recommandations. Dans l'intervalle, je recommande aux autorités marocaines et aux autres principales parties prenantes d’adopter les mesures concrètes suivantes qui visent à combattre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée :

Aux autorités marocaines

    Adopter un cadre juridique et politique global de lutte contre la discrimination qui mette pleinement en œuvre les dispositions du CERD relatives à l’égalité raciale conformément aux recommandations du Comité CERD, y compris une définition conforme de la discrimination raciale prohibée, conformément aux obligations du Maroc en vertu du droit international des droits de l’homme;
    Garantir un accès adéquat et effectif à la justice pour toutes les victimes de discrimination raciale et xénophobe, d'intolérance raciale, xénophobe et connexe;
    Recueillir des données fiables et désagrégées basées sur des indicateurs reflétant avec précision la diversité raciale, culturelle et ethnique de la population marocaine, y compris en reflétant mieux la diversité linguistique par le biais de mesures métriques qui suivent l’utilisation de la langue orale, en plus de l'alphabétisation;
    Adopter sans délai la loi organique requise pour mettre en œuvre le statut constitutionnel de l’amazigh en tant que langue officielle et prendre des mesures provisoires pour prévenir et atténuer toutes les formes de discrimination linguistique et culturelle dans tous les domaines en attendant l’adoption de la loi organique requise;
    Intensifier les efforts pour faire en sorte que les Amazighs ne fassent pas l'objet de discrimination raciale dans l'exercice de leurs droits fondamentaux, notamment en ce qui concerne l'éducation, l'accès à l'emploi et aux services de santé, le droit foncier et la liberté d'opinion et d'expression, de réunion pacifique et de association;
    Achever le processus de régularisation des migrants de 2017 et reprendre l'examen des demandes et des appels dans les localités où ce processus a été suspendu;
    Garantir de nouvelles voies systématiques de migration, y compris dans l'attente de la finalisation des projets de loi nationaux sur la migration et le droit d’asile actuellement examinés par le Parlement;
    Renforcer les mesures visant à éliminer les obstacles administratifs et autres obstacles structurels à l'intégration des réfugiés et des migrants;
    Renforcer les mesures préventives en matière d’éducation, de formation et de sensibilisation pour s’assurer que les agents des services publics s'abstiennent de tout acte de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance qui y est associée et, plus généralement, pour éliminer les stéréotypes racistes qui peuvent encore prévaloir dans la société;
    Veiller à ce que la politique nationale en matière de migration fondée sur les droits de l'homme soit appliquée uniformément à tous les niveaux locaux;
    Éliminer toutes les pratiques de profilage racial et toutes autres pratiques discriminatoires en matière d'immigration, y compris les déplacements forcés, les arrestations et les détentions arbitraires, le confinement régional et le recours excessif à la force contre des Africains noirs subsahariens;
    Fournir une assistance humanitaire d’urgence à toutes les personnes victimes de violations extrêmes des droits de l’homme dans le contexte de la migration, sans distinction de race, d’origine ethnique, d’origine nationale, d’ascendance ou d’immigration, en particulier pour les personnes exposées au risque de discrimination intersectionnelle fondée sur le sexe, le genre ou l’orientation sexuelle, le handicap ou tout autre statut;
    Inviter le Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants à effectuer une visite de pays; et
    Veiller à ce que tous les Marocains, y compris ceux appartenant à des minorités religieuses, jouissent du droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion sur un pied d'égalité.

A la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH)

    Jouer un rôle de premier plan dans la promotion d'une compréhension plus approfondie des droits de l'homme en ce qui concerne les manifestations de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, qui se produisent même dans des sociétés telles que le Maroc, dotées d'une identité nationale diversifiée et multiculturelle;
    Jouer un rôle de premier plan dans l'adoption et la mise en œuvre d'un plan d'action national de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, conformément à la Déclaration et au Programme d'action de Durban;
    Contribuer au renforcement des capacités et de l'expertise des bureaux régionaux de la CNDH en matière de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, en accordant une attention particulière aux dynamiques régionales affectant l'égalité raciale; et
    Augmenter les ressources et faciliter les possibilités de formation pour les bureaux régionaux de la CNDH sur les obligations internationales en matière de droits de l'homme de lutter contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, en accordant une attention particulière aux variations locales des manifestations de ces problèmes.

A l’Union européenne et ses Etats membres

    Cesser de faire pression sur les gouvernements africains pour qu’ils restreignent la liberté de circulation des Africains et qu’ils fassent respecter en Afrique les priorités inhumaines de sécurisation des frontières européennes, y compris sur une base raciale discriminatoire; et
    Mettre en œuvre une approche régionale fondée sur les droits de l'homme pour régir la migration, comprenant des voies légales d'accès à la migration.

Aux agences des Nations Unies chargées des mandats relatifs aux réfugiés et aux migrants

    Fournir de toute urgence une assistance humanitaire aux migrants noirs subsahariens vivant dans la forêt de Tanger et aux autres migrants victimes de violations extrêmes des droits humains dans tout le pays, y compris les femmes et les enfants qui sont quotidiennement victimes de violences sexuelles et d’autres formes de violence commises par les réseaux de trafiquants et par d’autres acteurs; et
    Veiller à ce qu'une approche fondée sur les droits de l'homme occupe une place centrale dans tous les travaux menés aux niveaux national et local avec les migrants en situation régulière et irrégulière, les demandeurs d'asile et les réfugiés, en mettant un accent particulier sur la promotion de leurs droits à la non-discrimination et à l'égalité.

Notes :

1. Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale art. 1 (1), le 4 janvier 1969, 660 U.N.T.S. 195 (ci-après «ICERD»).

2. Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. 2, 16 décembre 1966, 999 U.N.T.S. 171; Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels art. 2 (2), 16 décembre 1966, 993 U.N.T.S. 3; Id. art. 5; voir aussi Commentaire sur l’élimination de la discrimination raciale, Recommandation générale n° 20, article 5 de la Convention, 48ème session, 1996, document des NU A / 51/18, 1 (14 mars 1996).

3. Commentaires généraux des droits de l’homme  Commentaire général n° 29, Etats d’exception (article 4), CCPR / C / 21 / Rev.1 / Add.11, paragraphe 8 (31 août 2001); Rapport de l’expert indépendant sur les questions relatives aux minorités, la promotion et la protection de tous les droits de l’homme, Droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement, U.N. Doc. A / HRC / 7/23 35 (28 février 2008); ICCPR art. 4 (1), supra note 1; Rapport du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance qui y est associée, Doc. U.N. A / 72/287, paragraphe 47 (4 août 2017); Commentaire sur l’élimination de la discrimination raciale, Recommandation générale n° 30 sur la discrimination à l’égard des non-citoyens, 65ème session, 2005 (19 août 2004).

4. Voir Commentaires sur les droits de l’homme, commentaire général n° 18, Non-discrimination, 37ème session, 1989 (10 novembre 1989); Comm. sur l’élimination de la discrimination raciale, Recommandation générale n° 22, article 5 de la Convention sur les réfugiés et les personnes déplacées, 49ème session, 1996, UN Doc. A / 51/18 (23 août 1996); Comm. sur l’élimination de la discrimination raciale, Recommandation générale n° 23 sur les droits des peuples autochtones, 51ème session, 1997 (22 août 1997); Comm. sur l’élimination de la discrimination raciale, Recommandation générale n° 25 sur la dimension de la discrimination raciale liée au genre, 56ème session, 2000 (20 mars 2000); Comm. sur l’élimination de la discrimination raciale, Recommandation générale n° 27 sur la discrimination à l’égard des Roms, 57ème session, 2000 (16 août 2000); Comm. sur l’élimination de la discrimination raciale, Recommandation générale n° 29, article 1, paragraphe 1, de la Convention (descendance), 61ème session, 2002 (23 août 2002); Comm. sur l’élimination de la discrimination raciale, Recommandation générale n° 30, supra note 3; Comm. sur l’élimination de la discrimination raciale, Recommandation générale n°34, Discrimination raciale contre les personnes d’ascendance africaine, 79ème session, 2011, CERD / C / GC / 34 (2 octobre 2011); Comm. sur les droits sociaux et culturels Commentaire général n° 20, Non-discrimination dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels, 42ème session, 2009, E / C.12 / GC / 20 (2 juillet 2009).

5. Plan d’action national en matière de démocratie et des droits de l’homme (2018-2021)

6. CERD/C/MAR/CO/17-18, paras. 9-10; E/C.12/MAR/CO/4, para. 13(a) and 14(a); A/HRC/36/6

7. CERD/C/MAR/CO/17-18, para. 11

8. A/73/305

9. Politiques migratoires du Maroc et Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière, p.26. J’ai été informée par les autorités marocaines qu’au total, environ 50.000 migrants ont été régularisés.

10. Politiques migratoires du Maroc et Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière, p.11.

11. J’ai conscience que la relocalisation de migrants en situation irrégulière est permise par le droit marocain, ce qui soulève de sérieuses préoccupations en matière de droits de l’homme. Les autorités marocaines ont informé que cette politique légale fait l’objet d’une réforme en cours et je suis intéressée à recevoir davantage d’information sur ce sujet.

Rachid Raha
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