Manifeste pour une Algérie nouvelle

Madjid Ait Mohamed

L’Algérie vit une période exceptionnelle de sa jeune histoire. Jamais, depuis l’indépendance, une telle déferlante humaine n’a secoué le pays sur l’ensemble du territoire. Accumulation de différentes et longues luttes antérieures, ces manifestations populaires et pacifiques réclament, à travers le rejet du 5e mandat et de toute prolongation, la fin du système en place.

Ces manifestations rappellent la joie, la communion et l’espoir des premières journées de l’indépendance. Après l’accession de l’Algérie à la souveraineté nationale, synonyme d’indépendance, le peuple algérien revendique massivement la liberté pour l’exercice de sa volonté. Indépendance et liberté sont intimement liées dans notre imaginaire social et notre mémoire collective.

Plus d’un demi-siècle après le recouvrement de l’indépendance, la construction de «l’Etat démocratique et social» dans «le respect des libertés fondamentales», énoncée par la Plateforme de la Soummam et la Déclaration du 1er Novembre 1954 n’a pas abouti.

Plusieurs éléments combinés ont concouru au détournement de la volonté populaire par la confiscation des instruments politiques et juridiques de l’autodétermination du peuple algérien.

Du régime de parti unique au multipartisme, le pouvoir en place s’est toujours accaparé des moyens de l’Etat. L’administration, le Trésor public, la justice et l’appareil sécuritaire sont aux ordres. Ils sont soumis à l’impératif de pérenniser le système par le verrouillage de la vie publique et la fraude électorale. Celle-ci structure la vie institutionnelle, faisant de la corruption et de l’allégeance le moteur d’un système qui fonctionne en vase clos.

En l’absence de séparation des pouvoirs – exécutif, législatif et judiciaire – et d’inexistence de contre-pouvoirs institutionnels et non étatiques, la corruption atteint des sommets inégalés et l’impunité devient la règle. La force brute l’emporte sur la force du droit.

Cet état de fait est en train de s’effondrer sous la pression populaire, augurant l’avènement d’une Algérie nouvelle.

Un processus démocratique fondé sur un socle constitutionnel incontestable et incontesté doit mettre fin à l’usurpation de la souveraineté populaire. Les patriotes, femmes et hommes, épris de justice et de liberté doivent préparer la naissance et le développement de la nouvelle République en combinant valeurs, principes et fondements de la démocratie avec notre référentiel mémoriel dont la lutte de libération nationale reste un exemple et l’élément constitutif de l’édification de l’Etat national souverain :

• considérant que le pouvoir constituant revient au peuple et que le mot d’ordre du Mouvement national dès 1926 est l’indépendance de l’Algérie par l’élection d’une Assemblée constituante souveraine ;

• considérant que le Mouvement national, dans son programme de façon constante et par deux fois dans ses sigles – en 1944 (Amis du Manifeste et des libertés) et en 1946 avec le MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) – fait explicitement référence aux libertés ;

• considérant que l’organisation du pays en six régions durant la lutte de libération nationale a permis d’atteindre l’objectif d’indépendance tout en cimentant l’unité nationale ;

• considérant que l’Algérie ne peut rester en dehors de l’aspiration universelle à la démocratie ;

• considérant que l’Algérie est tenue de respecter ses textes juridiques et les pactes internationaux auxquels elle a souscrits ;

• considérant que les libertés et l’Etat de droit sont les meilleurs moyens de protection des plus faibles ;

• considérant que l’égalité des droits, notamment entre l’homme et la femme, et l’égalité de traitement entre les deux langues officielles – arabe et tamazight – sont les garants du mieux vivre-ensemble et de l’intégration nationale ;

• considérant que la meilleure Constitution est celle qui assure l’alternance, la protection des minorités politique, idéologique, religieuse, linguistique, culturelle ;

• considérant que l’usage politique de la religion est source de violence.

Proclamons, par le présent Manifeste pour l’Algérie nouvelle, la nécessité de refonder l’Etat pour l’avènement d’une nouvelle République, notamment par :

• l’édification d’un Etat civil garantissant les libertés de culte, de conscience, d’opinion et la neutralité de l’armée et de l’administration ;

• la construction de l’Etat démocratique et social assurant les droits et libertés, la justice sociale et l’égalité des chances ;

• l’abandon de l’Etat centralisé, héritage du colonialisme, par la refondation d’un Etat unitaire régionalisé, à l’image des six ensembles stratégiques de la lutte de libération nationale, pour garantir l’expression des diversités et l’intégration démocratique de la nation.

• l’inscription de l’Algérie dans l’espace naturel nord-africain par la matérialisation d’une dynamique d’union sur des bases citoyennes qui intègre la permanence du substrat amazigh ;

• La mise en place de l’Etat de droit, condition sine qua non de l’indépendance de la justice et de l’égalité devant la loi ;

• la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire comme fondement essentiel de la justice et de l’équilibre des pouvoirs luttant contre les abus et la corruption ;

• la consécration de l’ensemble des libertés individuelles et garantissant l’effectivité de la citoyenneté ;

• la promotion des droits de l’homme dans leur intégralité et universalité, instruments indispensables à la promotion de la dignité humaine et à l’exercice de la citoyenneté pleine et entière ;

• la légitimité du suffrage universel, expression de la souveraineté populaire sur la base de la garantie des droits fondamentaux de toute(s) minorité(s) et de l’alternance au pouvoir ;

• la consécration des droits sociaux, dont l’accès au travail, à la protection sociale, au logement, à l’éducation et à la santé sont le minimum vital d’une société solidaire et citoyenne ;

• le choix du développement durable pour la préservation des ressources du pays et de l’environnement.

Déclarons agir en faveur d’un mouvement d’opinion pour la concrétisation, par des moyens pacifiques, des objectifs sus énoncés que nous soussignons. Notre Manifeste pour l’Algérie nouvelle entend inscrire ces aspirations et objectifs au cœur de la fondation et des pratiques de la nouvelle République.

Inscrits dans l’intérêt général et la paix civile, nous militons pour que ces principes, fondements et valeurs soient l’assise des institutions de la transition et de la Constituante.Ne perdant pas de temps, signons et agissons ensemble !

Rédaction Amazigh 24
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