Maroc : séisme, abandon et répression – la double peine des sinistrés du Haut-Atlas

Alors que des centaines de familles amazighes du Haut-Atlas vivent toujours sous des tentes précaires après le séisme de 2023, l’État marocain répond à leur détresse par la répression. Said Ait-Mehdi, militant des sinistrés, a été condamné à la prison pour avoir dénoncé l’abandon et la corruption. Son procès en appel s’ouvre ce 11 février 2025, tandis que les appels aux instances internationales des droits de l’homme se multiplient.
Le Congrès Mondial Amazigh a interpellé les organes compétents des Nations Unies en matière de droits de l’homme, notamment le Comité des droits de l’homme, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale ainsi que plusieurs Rapporteurs Spéciaux de l’ONU :
Balakrishnan Rajagopal, Rapporteur Spécial sur le droit à un logement convenable.
Albert Barume, Rapporteur Spécial sur les droits des Peuples Autochtones
Mary Lawlor, Rapporteur Spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme
Ashwini K.P., Rapporteur Spécial sur les formes contemporaines de racisme et de discrimination raciale
Communiqué du Congrès Mondial Amazigh : Discrimination et répression à l’encontre des victimes du séisme de 2023 au Maroc
Le 7 septembre 2023, un séisme dévastateur a frappé la région amazighe du Haut-Atlas au Maroc, faisant plus de trois mille morts, plusieurs milliers de blessés et de graves dégâts matériels. Plusieurs dizaines de villages et des centaines d’habitations ont été entièrement détruits.
Plus de dix-sept mois après, des dizaines de familles qui ont tout perdu, vivent encore sous des tentes en plastique, déchirées par les intempéries, exposant leurs occupants au vent, à la pluie, au froid glacial en hiver et aux chaleurs torrides en été. Des centaines de femmes, d’enfants et de personnes âgées survivent dans la souffrance et dans le dénuement total, victimes à la fois du séisme et de l’absence de secours de la part des services de l’Etat.
Des victimes du séisme dans le Haut-Atlas au Maroc, abandonnées à elles-mêmes
Ces familles abandonnées à elles-mêmes ont à plusieurs reprises essayé d’alerter les autorités locales et nationales en organisant des manifestations publiques durant toute l’année 2024 et la dernière a eu lieu le 9 février 2025 à Marrakech, mais elles n’ont jamais été entendues. Au contraire, les autorités ont choisi de répondre aux sinistrés par des intimidations, des arrestations et des condamnations à des peines de prison. C’est ainsi que Said Ait-Mehdi, membre de la coordination des victimes du séisme a été arrêté le 23 décembre 2024, jugé et condamné le 13 janvier 2025 par le tribunal de Marrakech à une peine de trois mois de prison ferme, une amende de 500 DH (environ 45 USD) et 10000 DH (950 USD) de dommages et intérêts à verser aux autorités locales, partie civile. Le procès en appel de Said Ait-Mehdi est fixé au 11 février 2025 devant la Cour d’Appel de Marrakech. Said Ait-Mehdi a été puni pour avoir dénoncé la situation inhumaine dans laquelle ont été abandonnés une partie des sinistrés du séisme de 2023 et demandé la reddition des comptes aux autorités locales qui ont mal géré les aides nationales et internationales destinées aux sinistrés. Certains responsables publics locaux sont même soupçonnés de corruption et de malversations dans la gestion de l’aide destinée aux victimes du séisme.
La zone touchée par le séisme se trouve dans la région montagneuse amazighe du Haut-Atlas, marginalisée depuis toujours, les autorités marocaines préférant avantager les plaines prospères et la façade atlantique du pays où se trouvent les grandes villes modernes reliées par des trains à grande vitesse. L’arrière-pays montagnard habité très majoritairement par les autochtones, est laissé à l’abandon, avec le plus haut niveau de pauvreté du pays, ce qui témoigne de la pratique de la ségrégation anti-amazighe au Maroc.
Pourtant, c’est la montagne amazighe qui fournit notamment l’eau, le bois et les ressources minières au Maroc. Sans aucune contrepartie. En violation des droits des Amazighs, peuple autochtone du Maroc.
En conséquence, nous demandons instamment :
- la libération immédiate de Said Ait-Mehdi,
- l’abandon de toutes les charges à son encontre et à l’encontre de ses camarades arrêtés puis
relâchés et leur indemnisation pour les préjudices matériels et moraux qu’ils ont subis, - le relèvement de leurs fonctions et des poursuites judiciaires à l’encontre des autorités locales
responsables de la violation des droits des victimes, - le relèvement de ses fonctions et la poursuite judiciaire à l’encontre du gouverneur de la
province d’El-Haouz pour avoir tenu des propos haineux et racistes tels que le mot « barbares »
à l’encontre des victimes du séisme, - le relogement immédiat et l’octroi des aides auxquelles elles ont droit à toutes les victimes du
séisme, - le respect par l’Etat marocain des instruments juridiques internationaux des droits de l’homme et des peuples.
Paris, 30/01/2975 - 10/02/2025
Le Bureau du CMA