Le Maroc poursuit son arabisation forcée à l'étranger
Des ONG Amazighs interpellent le ministre marocain de l'Education nationale sur les motifs d’exclusion de l’enseignement de la langue officielle amazighe aux enfants des MRE.
Comment ne pas s'insurger alors que les langues amazighes demeurent exclues des programmes d'apprentissage à destination des enfants de Marocains résidant à l'étranger notamment sur les platerformes en ligne de langues et cultures arabisées.
Aujourd'hui près d'un marocain sur 4 en dépasse pas le niveau du primaire. L'acculturation de la population a atteint son paroxysme. Tout le système éducatif marocain reste dévolu à l'arabisation et à l'islamisation depuis les années 80.
Amazigh 24, partage la lettre adressée par déjà plus d'une vingtaine d'associations culturelles et éducatives amazighes.
Monsieur Le Ministre,
Vous venez d’adresser une circulaire aux délégations régionales de votre ministère pour un concours aux fins de recrutement des « enseignants de la langue arabe et de culture marocaine aux enfants des Marocains résidants en Europe », pour ce mois de juin, en proposant 139 places pour la France, 60 pour l’Espagne, 16 pour la Belgique et 3 pour l’Allemagne. Et une autre circulaire pour recruter 26 enseignants de langue arabe pour les missions éducatives étrangères à raison de 17 pour les missions Françaises, 6 pour les Espagnoles et 3 pour les Belges.
Permettez-nous d'attirer votre attention en vous signalant que c’est là une initiative délibérée de discrimination raciale qui va à l’encontre de l’esprit de la Constitution du premier juillet 2011, du contenu de son article 5 et des objectifs de la loi organique n ° 26.16, concernant la mise en œuvre du caractère officiel de la langue amazighe. Sans oublier que cette discrimination/exclusion se font à l’encontre des articles 7 et 8 de la Convention internationale des droits de l’enfant et des incessantes recommandations de l’UNESCO et de la Banque Mondiale en ce qui concerne l’importance de la langue maternelle dans l’éducation des enfants.
L’on attendait de vous et de votre département ministériel de donner l’exemplarité en ce qui concerne la priorité et l’urgence quant à la mise en œuvre du caractère officiel de la langue amazighe au sein de l’Education Nationale, en généralisant l’enseignement de la langue officielle amazighe, à l’instar de la langue arabe, du préscolaire à tous les cycles du primaire et du secondaire, non pas seulement par respect à la Loi fondamentale, du Royaume du Maroc et au discours du Souverain, mais aussi car c’est l’un des moyens les plus efficaces pour lutter contre l’abandon scolaire qui, comme vous l’avez déjà signalé, est devenu très préoccupant avec le chiffre alarmiste de 300 000 enfants qui abandonnent l’école chaque année !
Maintenant que vous assurezla présidence de la Conférence des ministres de l'Éducation des États et gouvernements de la francophonie (CONFEMEN) depuis sa 59ème session, qui a eu lieu à Rabat en février dernier, lors d’une rencontre organisée sous le thème"Langue première et langue d’enseignement : quelles stratégies pour faciliter les premiers apprentissages, la réussite scolaire et le vivre- ensemble au XXIe siècle", laissez-nous vous rappeler ce qu’avançait pertinemment et incessamment le linguiste français Alain BENTOLILA, déjà en novembre 2019 : « les systèmes éducatifs de certains pays, aussi coûteux qu’ils soient, sont devenus des machines à fabriquer de l’analphabétisme et de l’échec scolaire parce qu’ils n’ont jamais su (ou voulu) résoudre la question qui les détruit : celle du choix de la langue d’enseignement. Ils conduisent des élèves à des échecs cruels parce que l’école les a accueillis dans une langue que leurs mères ne leur ont pas apprise et c’est pour un enfant une violence intolérable et que sur la base solide de leur langue maternelle qu’on leur donnera une chance d’accéder à la lecture et à l’écriture et que l’on pourra ensuite construire un apprentissage ambitieux des langues officielles ».
Vous-même, vous avez exprimé sur twitter le succès retentissant de l’extraordinaire expérience marocaine des écoles communautaires rurales de Merdersat.Com de la Fondation BMCE BANK OF AFRICA, que vous avez eu l’amabilité de visiter à Bouskoura (Casablanca) et à Beni Enzar (Nador) du fait qu’elles intègrent la langue maternelle, en l’occurrence la langue amazighe, dans leur curricula scolaire. Alors, dites-nous ce qui vous empêche de ne pas introduire et de généraliser cette expérience à l’école public et pour les enfants des Citoyen-ne-s Marocain-e-s Résident-e-s à l’Etranger ?
Laissez-nous vous rappeler que le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU, en octobre 2015, reconnaissait que le Royaume du Maroc pratiquait une politique de discrimination de fait à l’encontre des Amazighs dans le domaine de l’emploi et de l’éducation. Il avait recommandé à l’État marocain« de prendre des mesures urgentes pour s’attaquer aux problèmes de la qualité de l’enseignement public, de l’abandon scolaire et de l’échec scolaire. Il lui recommande de développer un système et un programme éducatif adaptés en mettant l’accent sur l’enseignement préscolaire, l’enseignement ou l’alphabétisation en langue maternelle, la formation professionnelle et l’encadrement des enfants ayant abandonné l’école... et de redoubler ses efforts pour offrir l’enseignement primaire, secondaire et universitaire en amazigh ».
La Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, Mme. Tendayi Achiume, qui a été invitée par le Royaume du Maroc en décembre 2018, avait souligné que la discrimination restait persistante à l’encontre des communautés Amazigh du fait de leur langue et de leur culture. De ce fait, elle avait, elle aussi, renouvelé cette persistante recommandation comme quoi le Royaume du Maroc devrait « intensifier les efforts pour faire en sorte que les Amazighs ne soient pas victimes de discrimination raciale dans l’exercice de leurs droits fondamentaux, notamment en ce qui concerne l’éducation...».
Nous sommes conscients que les gouvernements antérieures, dirigés par les islamistes du PJD, ont ignorés délibérément ces recommandations onusiennes, mais pourquoi suivez-vous la même voie que le PJD alors même que votre Chef de gouvernement, l’Amghar Aziz AKHENNOUCH vient de rappeler que« la réalisation de ce chantier sociétal consiste en l’intégration de l’Amazigh dans tous les aspects de la vie publique et la mobilisation des ressources humaines, logistiques et financières pour la mise en œuvre de la loi organique sur la langue amazighe ».
Alors pourquoi excluez-vous l’enseignement de la langue officielle amazighe aux enfants des Citoyen-ne-s Marocain-e-s Résident-e-s à l’Etranger ?
En plus comme le Maroc va accueillir la 7e Conférence internationale sur l’éducation des adultes (CONFINTEA VII) que vous co-organisez avec l’UNESCO du 15 au 17 juin 2022 à Marrakech, sur le thème de « L’apprentissage et l’éducation des adultes pour le développement durable : un agenda transformateur » pour la prochaine décennie. Nous avons une vive sensation que l’alphabétisation des adultes en leur langue maternelle, comme le préconise Paolo Freire, sera absente et passée sous silence de vos travaux. Alors que c’est une occasion exceptionnelle que vous allez rater si vous excluez de vos débats l’importance des langues autochtones et maternelles. Même la directrice générale de l’UNESCO, Mme. Audrey Azoulay, avait souligné que : « L'éducation des adultes est essentielle pour transformer notre avenir. Face aux mutations technologiques et sociales, le droit à l’éducation c’est doter chaque personne, tout au long de sa vie, des connaissances et aptitudes lui permettant de s’épanouir et de vivre dans la dignité », et cela ne pourrait aboutir à ses finalités qu’à condition de se débarrasser, une fois pour toute, des considérations idéologiques, et de se baser pragmatiquement sur les langues autochtones et maternelles.
Monsieur Le Ministre,
Si vous voulez que votre programme gouvernemental de l’éducation pour les enfants, à la base de toute politique de développement humain, au pays et à l’étranger, ne soit pas condamné automatiquement à l’échec, si vous voulez récolter des résultats favorables et significatifs, vous n’avez qu’à commencer sur le champ à intégrer la langue amazighe au sein de tous les cycles de l’éducation nationale, de le généraliser du préscolaire jusqu’à l’université, et de l’intégrer dans les programmes éducatifs destinés aux MRE et de l’introduire dans l’éducation et l’alphabétisation des adultes. Vous ne pourriez que réussir si vous prenez au sérieux les recommandations et le plan stratégique de la «Décennie internationale des langues autochtones 2022-2032», lancé par l’UNESCO et l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones.
Monsieur Le ministre,
Dans l’espoir de votre réponse à nos soucis et interrogations, que vous preniez en compte sérieusement nos requêtes et que vous entamiez une politique volontariste contre cette discrimination raciale à l’encontre de la langue officielle amazighe, veuillez agréer l’expression de nos salutations distinguées.
Premières ONG-s et associations signataires :
1- Assemblée Mondiale Amazighe (AMA), Bruxelles (Belgique)
2- Association TIFAWIN, Bruxelles (Belgique)
3- Association TAMAZIGHT, Liège (Belgique)
4- Association TIWIZI59, Lille (France)
5- Association AMEZRUY, Lille (France)
6- Association ADRAR, Amsterdam (Pays-Bas)
7- Union des Associations Amazighes en Allemagne (Allemagne)
8- Fundación Mediterránea DAVID MONTGOMERY HART de Estudios Amazighies, Melilla (Espagne)
9- Asociación TAMETTUT de las mujeres amazighes por la cultura y el desarrollo, Barcelona (Espagne)
10- Asociación Cultural IMAZIGHEN, Melilla (Espagne)
11- Amazigh American Association (USA)
12- Association des Enseignants de la langue amazighe de la région de Casablanca-Settat, Casablanca (Maroc)
13- Association AJDIR pour l'apprentissage de la langue amazigh et la transmission de sa culture et de son patrimoine, Kénitra (Maroc)
14- Collectif « TAMEGHRABIT » des Convergences Citoyennes (TADA TAMEGHRABIT), Rabat (Maroc)
15- Confédération des Associations de Senhaja du Rif pour le Développement, Targuiste (Maroc)
16- Forum TOUBKAL pour la culture amazighe et les droits de l’homme, Marrakech (Maroc)
17- Réseau des Associations de Développement de la province d’Al-Hoceima, Al-Hoceima (Maroc).
18- Association AMOUD pour la Culture et l’Environnement, Casablanca (Maroc)
19- Association TAMASNA, Casablanca (Maroc)
20- Association ACHABAR d’Imouzzar Kandar (Maroc)
21- Association jeunesse de SEGANGAN pour la culture et le développement, Nador (Maroc)
22- Association ADGHAL du Rif pour le développement rural, Alhoceima (Maroc)