Comme ses prédécesseurs, Macron s'acharne à « arabiser » les Amazighs de France

Emmanuel Macron Rachid Raha

Monsieur Emmanuel MACRON, Président de la République française: Pourquoi vous acharnez  à « arabiser » et à déraciner les Amazighs de France?

Monsieur le Président,

Lors d’une interview que vous venez de donner en direct au média Brut, ce samedi 5 décembre, en vous interrogeant sur le projet de loi sur l’enseignement de la langue arabe, vous avez déclaré, tout à fait à l’opposé du vôtre discours du Mulhouse de 18 février dernier : « On a énormément de jeunes dont les familles parlent arabe, parfois les deux parents, dont la culture familiale est en arabe. Et ils apprennent dans l’école de la République le français. Ils vont perfectionner l’apprentissage de leur langue maternelle ou familiale à l’extérieur car la République leur offre peu d’espaces pour cela ».

Vous avez ajouté que: « quand votre enfant parle arabe, c’est une chance pour la France, ça a quelque chose à apporter à notre pays (…) », en vous alignant parfaitement sur les propos de M. Jack LANG, président de l’Institut du Monde Arabe (IMA), qui avait affirmé auparavant que la « langue arabe est une langue et un trésor de France ».

Cependant, ce que vos ministres, vos conseillers et votre excellence, vous entêtez à ignorer c’est que la deuxième langue réellement parlée en France, ce n’est pas la langue arabe, sinon  la langue amazighe, et plus concrètement, les variantes dialectales de cette langue, comme viennent de bien le souligner trois éminents chercheurs français, en l’occurrence Tassadit YACINE, Pierre VERMEREN et Omar HAMOURIT.

En effet, ces derniers ont eu le courage de souligner dans un récent article que « la langue maternelle des immigrés n’est pas l’arabe »(1). Et par extension, la langue maternelle de la plupart des citoyennes et des citoyens français d’origine nord-africaine est, sans aucun doute, la langue amazighe (déjà officielle au Maroc et en Algérie) et c’est précisément ce que j’avais signalé à votre ministre de l’Europe et  des Affaires Étrangères lors de sa récente visite au Maroc.

Je lui avais précisé explicitement que le fait de continuer à ignorer les légitimes requêtes des Amazighs, vous continuez à déformer «la vérité historique» des pays d’Afrique du Nord. De ce fait, vous continuez à  provoquer  de l’aliénation culturelle et le déracinement identitaire des jeunes français issus de l’émigration nord-africaine, et par conséquent, vous entêtez à les condamner à alimenter le radicalisme islamiste et le séparatisme religieux. Des fléaux à l’origine des horribles attentats terroristes dont votre pays est devenu la cible privilégiée et qui menacent sérieusement la paix et la sécurité de l’Hexagone et de celle de l’Europe.

Monsieur le Président,

Votre interview nous rappelle tristement le discours de l’ex-président Nicolas Sarkozy qu’il avait tenu le 15 septembre 2011 à Benghazi, lorsqu’il avait affirmé : « (…) jeunes de Benghazi, jeunes de Libye, jeunes Arabes (…) tous les peuples « arabes » qui veulent se libérer de leurs chaînes … ». Des propos qui laissent penser que le peuple libyen, comme le reste des peuples nord-africains, serait un peuple «arabe» autant sur le plan ethnique qu’historique, sociologique, identitaire, culturel et linguistique, alors que le succès de la révolution libyenne, à la suite du « printemps démocratique des peuples », revient en grande partie au peuple autochtone amazigh du Jbel Nefoussa, dont la jeunesse s’est rebellé à l’Est et qui a eu le défi de libérer la capitale Tripoli.

Toutefois, ceux que vous continuez à considérer comme des «Arabes» ne sont, en réalité, que des Amazighs, que pour beaucoup se sont arabisés après leur conversion à l’Islam. Une arabisation forcée, voulue et accélérée pour des raisons idéologiques par les pouvoirs autoritaires à partir des années soixante-dix dont celui de feu l’égyptien Jamal Abdel Nasser et le dictateur déchu Kadhafi.

Une politique d’arabisation à contre-sens, que vous voulez perpétuer sur votre territoire, bien qu’il a déjà réussi à ruiner diamétralement le système éducatif de nos propres pays d’Afrique du nord (Maroc, Algérie, Tunisie…). Or, cette néfaste politique éducative a été enclenchée par vos propres écoles coloniales «franco-arabes», et qui sont à l’origine du déracinement continuel des Amazighs. Notez bien ce que confessait notre éminent amazighologue M. Mohamed CHAFIK à propos de la dite: « Or, j’estime qu’en matière d’éducation, il y a eu une véritable trahison de la part d’une frange de la classe politique. Je veux parler des défenseurs acharnés de l’arabisation de la masse d’élèves marocains, qui ont mis leurs propres enfants dans les systèmes étrangers. Ce n’est pas tant une erreur d’appréciation, ni une faute involontaire, comme veulent bien nous le faire comprendre certains. Non, c’est vraiment un acte de trahison ». En réalité, c’est ce que continue à perpétuer l’actuel ministre marocain de l’éducation nationale, en bloquant l’enseignement de la langue tout en envoyant ses fils suivre des cours au sein du lycée français Descartes de Rabat !

Monsieur le Président,

Il est difficile d’ignorer que les troupes marocaines recrutés et envoyés par les autorités militaires du protectorat, au secours de la France, comme chairs à canons, aux fronts de la Première et de la Deuxième Guerres mondiales, sont dans leur écrasante majorité des Amazighs. Des Amazighs des montagnes du Moyen Atlas qui ont contribué, avec leurs sueurs et leurs sangs, à la libération de la France du danger nazi, comme le reflète merveilleusement le film « Indigènes » de réalisateur Rachid Bouchareb.

N’oubliez pas que ce sont les mains des émigrés Amazighs des montagnes de Kabylie et de Souss qui ont contribué à la reconstruction des édifices et des infrastructures de la France juste après sa démolition à la suite de chaque guerre mondiale. Bien que le patronat français se déplaçait sur le terrain, pendant les années cinquante et soixante, aux villages les plus reculés des montagnes de l’Atlas pour recruter la main d’œuvre amazighe pour redresser et développer vos complexes industriels, vos usines automobiles et vos mines du nord. Savez-vous que les meilleurs vignobles d’Aquitaine et d’Avignon sont travaillés avec soin par des agriculteurs amazighs des montagnes du Rif, qui ont accompagné leurs anciens patrons des champs oranais vers la France, juste après l’indépendance de l’Algérie?

Etes-vous bien conscients que vos habitations sont actuellement chauffées par du gaz algérien, en territoire amazighe (et non pas au Qatar !), et illuminés par l’électricité des centrales nucléaires à base d’uranium extraite à Arlit, en territoires touarègues!

Comme vous devriez savoir, l’économie de la France est intimement liée aux Amazighs et à leurs territoires d’origine, qui ne se trouvent pas du tout en Arabie, sinon en Afrique septentrionale. Cependant, savez-vous pourquoi la campagne de boycott, déclenchée par le président turc contre vos produits, n'a pas eu du tout de retombées en Afrique du Nord? Simplement parce que les millions de citoyens amazighs du Maroc, d’Algérie, de Tunisie, de Mauritanie… sont des consommateurs privilégiés des produits Made in France, et qui roulent, en préférence, dans des  voitures de marque française (Renault, Peugeot, Citroën, Dacia…) !

Monsieur Le Président,

A l’occasion de ce 72ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, vous allez vanter de nouveau que votre pays est le foyer des droits de l’homme, le pays qui a chassé la monarchie absolutiste de Louis XVI, à la suite de votre mémorable révolution de 1789, et qui s’est doté de la déclaration universelle des droits du citoyen, donnant par la suite la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Savez-vous que les Amazighs vous ont précédé de 15 siècles, lorsque l’empereur d’origine amazighe Caracalla, petit-fils de l’empereur amazigho-libyéen Septimo Severo, et qui est né, en plus, à la ville romaine de Lugdunum lyonnaise en 188 (où l’empereur Caligula avait assassiné, à l’époque romaine, notre dernier roi maure Ptolémée, pour la simple raison qu’il était habillé de manière plus élégante que lui !), a déclenché la première révolution citoyenne de l’histoire, en défendant en faveur des mêmes droits de citoyenneté des barbares d’Europe, dont les Gaulois, et de la Mauritanie (Afrique du Nord)» avec ceux des citoyens de Rome vers 211.

Monsieur le Président,

En définitive, nous vous prions de vous inviter à rectifier votre perception envers les Amazighs de France et de monde, à respecter leur identité, leur langue et leur histoire, ainsi que leurs valeurs démocratiques, qui sont pourtant complètement compatibles avec les valeurs de la République française. Soyons clairs qu’en Afrique du Nord, berceau de l’humanité(6), il n’y a pas d’ «Arabes», sinon des Amazighs, qui sont dans leur grande majorité amazighophones et/ou darijaphones, et en minorité, des francophones (Kabylie) et des hispanophones (Îles Canaries), et qu’en France, l’écrasante majorité des citoyen-ne-s issus des maghrébins est incontestablement d’origine amazighe.

Dans l’attente de vous pencher consciencieusement sur cette légitime requête, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre très haute considération.

Par Rachid RAHA,

Président de l’Assemblée Mondiale Amazighe

Rachid Raha
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